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Christophe Ono

Le Point.fr - Publié le


Avec 'Plonger', l'écrivain et directeur adjoint de la rédaction du 'Point' livre un roman noir et solaire distingué par l'Académie française. Christophe Ono-dit-Biot. © JB MILLOT / GALLIMARD

Il y a plusieurs façons d'écrire un roman. Comme si c'était le premier. Ou bien comme si c'était le dernier. Avec Plonger, Christophe Ono-dit-Biot, notre ami du Point, au nom qui fleure bon le pays de Caux, a choisi la seconde voie. C'est ce qui donne un arrière-fond de gravité à ce roman qui affiche un parti pris de légèreté. La filiation est claire : Fitzgerald, d'Ormesson, Sagan, Beigbeder. Le propos est simple : un journaliste, César, raconte à son fils, Hector, son amour avec sa mère espagnole, Paz. Quand on saura que le fils de Christophe Ono-dit-Biot s'appelle aussi Hector et que le roman lui est dédié, l'intérêt montera de plusieurs crans : l'auteur s'est lâché. Certes, les tripes ne sont pas sur la table, ce n'est pas le genre de la maison, mais bon, elles parfument agréablement le livre, où toute ressemblance avec des personnages existants n'est pas fortuite.


Un roman de filiation

Plonger est un vrai-faux roman et les lecteurs du Point retrouveront leur journal, ici appelé l'Entreprise, ainsi que des souvenirs de reportages de l'auteur au Liban ou en Birmanie. Sans oublier quelques considérations un peu désabusées sur le journalisme ou la critique, fabrique à 'bulles de savon'. Un mot là-dessus. Cher Christophe, qui, à part un ou deux génies par siècle, et encore, n'est pas condamné à envoyer des bulles de savon au ciel ? On a beau gigoter ou se pousser du col, n'est-ce pas notre destinée, à nous autres humains, néants à l'égard de l'infini, comme disait Pascal, de mouliner du vide tant que nous ne sommes ni Socrate, ni Shakespeare, ni Einstein, dont les legs dureront cependant ce que durera notre espèce ?


Cette lettre à un fils n'est pas un livre d'initiation, mais un roman de filiation. Ne pas confondre. Tous ceux qui le connaissent retrouveront, dans ce livre, les passions grecques et les obsessions galeristes d'Ono-dit-Biot. Sa fascination pour tout ce qui brille ou pour les grands textes et les vestiges de l'Antiquité, enfouis sous les pelletées de l'Histoire. Son amour aussi de la mer, j'allais dire des mers. Qu'est-ce qu'on se baigne dans ce livre, et sous tous les cieux ! Vite, des peignoirs !


Comme le narrateur, CODB est double, triple, peut-être plus. C'est quand on croit l'avoir saisi qu'on a cessé de le comprendre. Ono-dit-Biot, ou l'enfant qu'auraient pu avoir ensemble Lucien Jerphagnon et Katy Perry. C'est, si j'ose dire, un contemporancien ou un scromoderne, sans le gneugneu, qu'on a envie de surnommer, disons, 'Daft Punk Homère'. La synthèse vivante des Anciens et des Modernes cherchant son chemin dans ce 'quasi-cadavre' agité de soubresauts qu'est devenu, selon lui, notre Vieux Monde.


Narcissisme

Pas de temps mort dans cette ode vigoureuse à la vie et à l'amour, qui est aussi une plongée dans la société des apparences. Pour raconter son histoire, Christophe Ono-dit-Biot virevolte et change de pied, de milieu ou de continent avec une aisance ébouriffante. Papillon de nuit attiré par les strass, les phares ou les beautés du monde, le narrateur ne tient pas en place et nous emmène par la main jusqu'au dénouement final.


Même si on y fréquente beaucoup les grands hôtels et les destinations huppées, Plonger n'est pas un roman sage. Pour preuve, les délires du narrateur à propos des requins. Ceux qui ne participent pas aux conférences de rédaction du Point ne le savent pas, mais Ono-dit-Biot a toujours été un fou des requins, ces prédateurs débiles, quitte à faire rire à ses dépens, comme d'autres qui se croient plus malins sont obsédés des oliviers ou des tomates. Le requin est l'autre héros de ce roman et on vous laisse imaginer le sens de la métaphore : il rôde toujours.


Roman brillant d'une génération sceptique, voire cynique, Plonger n'hésite pas à célébrer le narcissisme, dont le narrateur considère qu'il devrait être 'obligatoire' : 'Il vous empêche de vous laisser aller et d'être une charge pour les autres.' Mais ce narcissisme est corrigé tout au long du livre par la hantise de la catastrophe annoncée. S'il fallait résumer ce beau livre solaire et noir, deux mots suffiraient : mourir vivant.


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